Il n’existe ni aliment miracle ni aliment poison : Pr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.

Texte

LPP : La mode est aux aliments détox. Doit-on se ruer sur eux pour rester en bonne santé ?

J.-M. L. : D’un point de vue scientifique, le terme « détox » n’a aucun sens. Il relève plutôt de l’attrape-nigaud marketing. Il fait croire que nous serions intoxiqués par notre alimentation et que notre organisme contiendrait des déchets qu’il nous faudrait éliminer. Deux erreurs. D’abord, parce qu’il n’y a pas de poison dans ce que nous mangeons ; ensuite, parce que nous sommes naturellement équipés pour éliminer ce qui a vocation à l’être. Les reins et le foie sont là pour cela. Si les régimes détox visent simplement à nous inciter à mieux nous nourrir et à limiter les excès, ils peuvent avoir une utilité. S’ils s’appuient sur des arguments ésotériques ou ambitionnent une purification des organismes, ils n’ont aucune légitimité.

LPP : Baies de goji, konjac, spiruline… sont souvent présentés comme des aliments miracles. Est-ce le cas ?

J.-M. L. : Là encore, c’est un abus de langage. Il existe évidemment de nombreux aliments végétaux aux propriétés intéressantes ; par exemple, le brocoli, la grenade ou la myrtille. Certains, comme les aliments à la mode que vous citez, sont riches en antioxydants, en vitamines ou autres nutriments. Mais aucun ne représente le salut universel et ne permettra, à lui seul, de conserver une bonne santé ! Il ne faut pas confondre aliments et médicaments. C’est la diversité et l’équilibre de l’alimentation qui font sa richesse.

LPP : À l’inverse, gluten, lait ou huile de palme sont régulièrement pointés du doigt pour leur prétendue nocivité. Doit-on s’en méfier ?

J.-M. L. : D’une façon générale, de la même façon qu’il n’existe pas d’aliment miracle, il n’est pas non plus d’aliment poison qui entre dans nos assiettes. Tout est une question de dose. Il est, certes, très important de bien se nourrir, mais il faut garder les pieds sur terre et arrêter de vouloir normer notre alimentation. Mieux vaut apprendre à manger varié plutôt que de multiplier les interdits.

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  1. Interview