Pour obtenir le « titre » de licorne à impact, l’activité d’une entreprise doit permettre de réduire annuellement d’au moins 50 millions d’euros les coûts sociaux et/ou environnementaux engendrés pour la société. Face à la multiplication des crises écologique et sociale, le Mouvement Impact France et le Boston Consulting Group ont diligenté une enquête sur les licornes à impact et ont conclu qu’aucune société ne serait capable actuellement d’atteindre ce montant. Cependant, le lancement de prochains programmes pourrait favoriser la naissance de ces licornes à impact.
Au lieu de privilégier la rentabilité financière en faveur des actionnaires, ne pourrait-on pas plutôt penser aux bénéfices sociaux et environnementaux et éviter les futurs coûts que devra supporter la société dans son ensemble ? Cette interrogation agite les acteurs au sein de certaines licornes mises en avant pour illustrer le succès de la French Tech.
L’objet de la consultation menée au printemps 2023 par le Mouvement Impact France, association qui représente les acteurs de l'économie sociale et solidaire, appuyé par le Boston Consulting Group et en partenariat avec Ipsos, auprès de fondateurs et dirigeants de jeunes pousses. Celles-ci sont âgées de moins de 10 ans et sont nées grâce à une innovation de rupture. En outre, elles possèdent une valorisation financière qui dépasse le milliard de dollars. Compte tenu de l’augmentation des crises environnementales et sociales, le gouvernement français s’est engagé à apporter des réponses tant au niveau national qu’à l’échelon européen.
L’enquête sur les licornes à impact diligentée par le Mouvement Impact France définit comme nouveau critère de valorisation de l’entreprise la mesure des coûts évités pour la société tout entière. Il s’agit donc du montant que la société économise grâce à l’activité principale de l’entreprise.
Citons l’exemple de la start-up Simplon active dans la formation professionnelle. En animant un réseau de centres de formation aux métiers du numérique, elle utilise le digital comme levier d’inclusion dans l’emploi. L’activité de la jeune pousse permet de calculer précisément les économies réalisées par l’État. Ce calcul renvoie à la somme des prestations sociales évitées pour chaque bénéficiaire accompagné au sein de la structure (RSA, allocation de retour à l’emploi, accompagnement par le service public de l’emploi...).
L’entreprise Phenix est un autre exemple significatif. Elle est spécialisée dans la récolte des invendus de la grande distribution. Luttant contre le gaspillage alimentaire, son activité permet d’éviter les coûts générés habituellement par la gestion des stocks de produits invendus dans les grandes surfaces et leur redistribution. Le montant des coûts ainsi évités découle directement des tonnes de CO2 économisées par tonne de nourriture sauvée.
Après avoir analysé l’activité de 5 start-ups qui appartiennent toutes à la catégorie des entreprises à impact, l’enquête a établi que ces dernières permettent d’éviter à la société des coûts équivalents à 30% de leur chiffre d’affaires. Si ces sommes étaient prises en charge par l’État et ajoutées à leur chiffre d’affaires, ces entreprises dégageraient un résultat net largement positif. En effet, celui-ci représenterait environ 12% de leur chiffre d’affaires alors qu’elles cumulent actuellement une perte moyenne équivalente à 15% de leurs revenus.
Le classement qui ressort de l’étude est le suivant :
Mais, toutes ces entreprises à impact sont loin d’atteindre la somme minimale de 50 millions d’euros de coûts évités définie par l’enquête pour parvenir au statut de licorne à impact.
Trois principaux freins ralentissent le développement de ces jeunes pousses, selon l’étude d’Impact France. En effet, à peine un tiers d’entre elles réalise plus de 20% de leur chiffre d’affaires avec des grands groupes. La raison viendrait de leur taille trop modeste et de la lourdeur des processus d’achat ou de partenariat. Ces deux facteurs les empêchent actuellement de collaborer avec des multinationales solides financièrement. Comme pour toute entreprise, la croissance réclame des fonds. Mais à peine une entreprise à impact sur 5 réussit à lever des liquidités en externe, alors que près d’une start-up sur deux (46%) y parvient.
Par ailleurs, la moitié des organisations à impact trouve que le soutien de la puissance publique en faveur de l’innovation sociale et/ou écologique demeure insuffisant, notamment au niveau de la fiscalité. Près des deux tiers (62%) des 223 dirigeants sondés par Ipsos dans le cadre de l’enquête affirment être favorables à la mise en place de crédits d’impôts recherche et innovation dédiés. Près d’une moitié d’entre eux (47%) se dit également favorable à la création d’un label grand public qui contribuerait à mieux les identifier de la part de potentiels clients et partenaires.
Pour aider ces entreprises à impact à muter pour devenir licorne, les auteurs de l’enquête d’Impact France préconisent trois solutions.
La première piste intéressante à suivre serait de généraliser l’utilisation de l’indicateur des coûts évités, que ce soit pour l’impact positif comme dans la comptabilité extra-financière.
La deuxième solution consisterait à fixer l’objectif de 10 licornes à impact parmi les 100 licornes attendues d’ici 2030. Cet objectif pourrait être parfaitement atteint grâce au lancement d’un programme de la French Tech baptisé « Next Impact 40 ». Selon les auteurs, cela permettrait de rediriger 10% des fonds du programme « France 2030 » destinés aux entreprises de la fintech vers les sociétés à impact.
Enfin, les experts suggèrent de créer un statut de « Jeune Entreprise à Impact ». La mise en place d’un tel mécanisme permettrait à toutes les entreprises générant des coûts évités d’obtenir un crédit d’impôt sur leurs cotisations sociales. Les propositions étant désormais sur la table, les pouvoirs publics n’ont plus qu’à s’en saisir.