Avec plus de 4.000 exposants présents début janvier 2024 à Las Vegas, le CES a encore une fois dévoilé des innovations technologiques spectaculaires et confirmé les tendances émergentes qui semblent conformes à celles du marché. De l'intelligence artificielle à la foodtech, en passant par la mobilité électrique, la durabilité et la Climate Tech, sans oublier la santé connectée, cette édition semble avoir atteint son objectif.
Plus de 135.000 personnes, dont 1.400 startups, étaient rassemblées autour de 4.300 stands au Consumer Electronics Show (CES) qui s’est déroulé à Las Vegas début janvier. Ce salon de l’électronique grand public est devenu le plus important au monde en matière de technologies et d’innovation. Chaque année, les nouveautés les plus marquantes ou amusantes y sont présentées. Chacun peut y dénicher ses coups de cœur, mais le CES est surtout un excellent marqueur pour comprendre les innovations technologiques qui marqueront l’avenir. À titre d’exemples, c’est lors de ce salon mythique que furent dévoilés le magnétoscope, le DVD, la télévision haute définition, le caméscope numérique, la Xbox ou encore le Blu-ray. L’édition 2024 du CES n’a pas dérogé à la règle et cinq grandes orientations technologiques ont été révélées au grand public.
La première grande tendance tech semble être l’humain augmenté. En effet, de nombreux projets visent à équiper et développer les capacités humaines. On y retrouve ainsi les puces médicales, les exosquelettes, la réalité mixte ou augmentée, et les dispositifs immersifs comme l’holographie ou la technologie haptique. Cette dernière concerne l’utilisation de dispositifs qui stimulent le sens du toucher et du mouvement. Ils permettent notamment de reproduire dans une téléopération ou une simulation informatique les sensations ressenties par un utilisateur interagissant avec des objets physiques. Ainsi, deux startups, Ultraleap et Leia Inc, proposent des expériences proches de l’immersion totale avec uniquement des lunettes et juste des écrans (sans manette, souris ou clavier). Selon certains experts comme Fabien Aufrechter, directeur d’Havas Sovereign Technologies, « la technologie s’humanise ». Pour preuve, il cite, parmi beaucoup d’autres, un projet à vocation durable et écologique comme Qarnot Computing.
Il s’agit d’une « infrastructure de réseaux informatiques basée sur la réutilisation de la chaleur fatale, permettant une grande réduction de l’empreinte carbone des data centers ». D’autres projets se révèlent particulièrement intéressants pour favoriser l’accessibilité des personnes en situation de handicap. C’est le cas de la start-up Lili For Life. Elle a présenté un prototype d'écran pour personnes dyslexiques.
Dans la continuité de l’édition 2023, la deuxième grande tendance du CES 2024 réside dans la fascination pour l’IA générative. Les enjeux s’expriment chez les professionnels par un foisonnement de projet d’avatars ou d’agents virtuels. Selon Fabien Aufrechter qui accompagne gouvernements, grandes entreprises, PME (Petites ou Moyennes Entreprises) et startups dans l’appropriation des technologies de pointe, ces innovations sont souvent sans utilité réelle. Il cite l’exemple de « Rabbit r1 », présenté en guest star de ce salon, qui s’avère être une simple télécommande vocale pilotée par l’intelligence artificielle. En effet, dopé à l’IA, ce petit appareil autonome ne fait que naviguer dans les applications de son utilisateur (pour commander un Uber, une pizza, lancer une musique ou envoyer un message) en comprenant l'intention d'une requête prononcée oralement.
Par ailleurs, il existe un développement symétrique de solutions pour aider le grand public à différencier les contenus réels de ceux entièrement artificiels. Il faut reconnaître que le piratage informatique de la Securities and Exchange Commission (SEC, l’autorité de contrôle des marchés financiers aux États-Unis), concomitamment à la fausse information sur l’annonce du lancement de l’ETF Bitcoin, aura donné le ton du salon. Mais pour Fabien Aufrechter, une solution domine désormais en matière de certification pour venir à bout des fake news et autres deepfakes. L’application Click app permet de signer des photos, vidéos et documents. Cette solution digitale constitue une promesse de responsabilisation des créateurs de contenus, selon l’expert également en charge de la stratégie blockchain de Vivendi.
L’innovation dévoilée par LG lors de ce CES 2024 est l’une des plus marquantes. Il s’agit des écrans en verre avec à la clef des expériences incroyables comme les guichets interactifs et les vitrines animées. Sur le stand de Sony, on a même pu voir des superpositions d’écrans en verre qui permettent de créer des effets 3D absolument uniques. Grâce à ces technologies désormais accessibles, ce type de nouveautés laisse présager une démocratisation rapide du mobilier connecté.
Ainsi, la matière aura bien été au centre de l’évènement cette année. On peut y ajouter l’impression 3D qui permet de la modeler à l’infini, qu’elle soit vivante ou inerte, et l’essor impressionnant des startups de la foodtech et de la wellness tech (massage, yoga, oreillers et couches-culottes connectés). Les participants ont également eu le privilège d’assister au « showcase » du premier ordinateur (pré)quantique.
Consacrés aux mobilités, les stands du grand hall du salon ont été scrutés autant pour les innovations présentées que pour leur scénarisation. Une réalité a été révélée avec les véhicules de plus en plus autonomes. À San Francisco, Waymo a su dépasser les craintes des utilisateurs en lançant son service de véhicules autonomes. Mais pour les acteurs du secteur automobile, occuper les futurs utilisateurs de véhicules autonomes avec des contenus adaptés est devenu stratégique.
L’Invehicle Infotainement (IVI) est donc la tendance émergente pour des automobiles davantage tournées vers l'infodivertissement, et qui apparaissent de moins en moins comme de simples moyens de transport. Du gaming, des grands écrans, des postes de conduite épurés sont donc à disposition pour privilégier les loisirs et le confort. Fabien Aufrechter résume la problématique en ces termes : « À quoi bon gagner du temps (avec des outils à la prise de décision, des outils remplaçant l’humain ou d’autres accélérant les process) si c’est pour laisser place à l’ennui ? ».
Depuis que Facebook est devenu Meta, le terme métavers a fait beaucoup de buzz. Jusqu’à présent, par manque de succès auprès du public, il semblait se cantonner au stade de la science-fiction. Mais selon Fabien Aufrechter, qui siège aussi au comité éthique et data d’Havas Média, « grâce à l’expérience du métavers, fruit d’une convergence technologique entre des infrastructures (cloud computing, réseaux 5G, plateformes et blockchain…), des logiciels (IA générative), des médias (Internet des objets, AR/VR/XR, hardware, avatars, jumeaux numériques) et des gouvernances (économie de la création, certification des contenus, valorisation des objets numériques), force est de constater que le métavers est en passe d’émerger ».
Cependant, quelques problèmes freinent encore son développement. Le principal réside dans l’immersion. En effet, les trois quarts des casques présentés au CES rendaient encore malade les personnes sensibles. Mais pour l’expert, la sortie de l’Apple Vision Pro devrait très vite résoudre cette difficulté. Il nuance en ajoutant qu’il reste néanmoins à trouver « la killer app » du métavers, car il est évident que c’est l’usage qui valide ou invalide la technologie. Pour conclure, le visionnaire rappelle que ce sont les expériences qui ouvrent toujours la voie : « La killer app du métavers, du moins dans un premier temps, se cristallisera autour des edtech ». Ainsi, pour les entreprises et startups spécialisées dans les nouvelles technologies liées à l’éducation, le métavers se présente comme une véritable aubaine pour former efficacement des salariés, agents ou citoyens.