Selon une enquête diligentée au niveau mondial par KPMG, deux PDG sur trois prévoient que leurs collaborateurs retourneront au bureau 5 jours par semaine d’ici 2027. Cependant, certains salariés semblent vouloir résister. Selon l’Insee, un salarié sur cinq télétravaille au moins un jour par semaine. Chez les cadres, ce sont carrément la moitié d’entre eux. Plus de trois télétravailleurs sur quatre se disent satisfaits de leur nombre de jours hebdomadaires de travail à distance, un sur cinq souhaite même y recourir davantage. Un bras de fer tendu pourrait donc s’engager très vite.
Au mois d’octobre dernier, le géant français de la publicité (Publicis, Leo Burnett, Saatchi & Saatchi, Starcom et Zenith) a annoncé à ses 102.000 collaborateurs à travers le monde qu’ils ne pourraient plus, à partir de janvier 2024, télétravailler plus de deux jours par semaine non consécutifs, et à l’exclusion du lundi. Ce mouvement initié par le groupe de communication fondé par Marcel Bleustein-Blanchet, numéro un mondial du secteur en termes de valorisation boursière, risque de se propager à d’autres secteurs d’activités. En effet, depuis 2022, les employés de Publicis pouvaient travailler à distance six semaines par an et ce dans n’importe quel pays où le groupe est implanté. Le changement est intervenu très concrètement en début d’année pour les salariés français qui ne peuvent plus participer à une « conf call » à la terrasse d’un café new-yorkais, dans un restaurant avec vue sur la baie de Sydney ou sur une plage brésilienne.
Les visioconférences semblent avoir lassé les dirigeants d’entreprise qui n’en peuvent apparemment plus de discuter avec leurs collaborateurs par écran interposé. Selon une étude de l’Insee sur le marché du travail en 2022, 19% des salariés français avaient effectué dans l'année au moins une journée de travail à domicile par semaine. Cette proportion atteignait même 52% chez les cadres. Près de huit télétravailleurs sur dix (78%) étaient satisfaits du nombre de jours effectués en télétravail chaque semaine, alors que près d’un sur cinq (18%) souhaitaient être autorisés à y avoir davantage recours. Cependant, cet engouement des salariés pour le télétravail dépend des secteurs d’activités. Selon une enquête diligentée par EY et datant de septembre 2023, les collaborateurs des services financiers et les professionnels du secteur des sciences de la vie et de la santé sont ceux qui souhaiteraient le plus travailler exclusivement à distance, avec une majorité de 52% d’entre eux. Viennent ensuite les professionnels de l’immobilier (42%) et de l’énergie (37%). À noter que les femmes sont plus nombreuses que les hommes (43%), avec près de la moitié d’entre elles (49%) qui voudraient uniquement télétravailler.
L’impact du télétravail sur l’efficacité des salariés est un sujet controversé. En effet, les enquêtes dans ce domaine se contredisent régulièrement. Selon le quatrième rapport du Conseil national de productivité de décembre dernier, « une progression d'un point du pourcentage de salariés en télétravail améliorerait en moyenne la productivité globale d'environ 0,6% ».
Reprenant les données d’une étude de la Banque de France, il considère que le passage à 25% de télétravailleurs d’ici 20 ans pourrait booster l’économie française. Cela engendrerait ainsi un gain de productivité qui serait en moyenne de 5 à 9%. À l’inverse, un rapport de l’université américaine de Stanford publié en juillet 2023, qui s’appuie sur plusieurs études, a révélé une réduction de la productivité de 10 à 20%. De son côté, le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) estime que le télétravail à plein temps ferait baisser de 18% la productivité des nouvelles recrues.
D’après les résultats de l’enquête diligentée par KPMG, le travail à domicile tel qu’il a été pratiqué ces dernières années va connaître une profonde évolution. La fin des excès du recours au télétravail semble se profiler, selon près des deux-tiers (64%) des 1.325 dirigeants d’entreprises interrogés à travers le monde par KPMG. Le rapport intitulé « 2023 CEO Outlook » précise que la même proportion de PDG prévoit le retour au bureau de leurs collaborateurs cinq jours par semaine, et ce dans les trois prochaines années.
Toutefois, les situations dans lesquelles certains salariés entrent en résistance se multiplient. Ainsi, par exemple, les 5.000 collaborateurs de l’entreprise allemande SAP ont menacé de démissionner outre-Rhin en début d’année. La direction venait de leur imposer un retour à trois jours de présentiel obligatoire. Les personnels ont même accusé leur employeur de « trahison ». Autre exemple, en mai dernier chez Amazon, des salariés ont déclenché une grève pour protester contre l’obligation de travailler au moins trois jours par semaine en présentiel. À cette occasion, une pétition a recueilli près de 20.000 signatures de collaborateurs.
Mais outre-Atlantique, les dirigeants des grands groupes semblent peu enclins à céder face à la révolte de certains collaborateurs sommés de revenir au bureau. Habitué à la provocation, Elon Musk s’est ainsi exprimé avec virulence en estimant que « le télétravail est une connerie qui pose un problème moral ». Chez Google, la DRH Fiona Cicconi a prévenu ses collègues que leur « présence sera vérifiée grâce aux données enregistrées sur les badges ». Elle a ajouté dans une note interne que « ceux qui ne viendront pas seront rappelés à l’ordre » et que « la présence au bureau sera prise en compte dans les évaluations de performances ». Et d’autres multinationales comme Disney et Apple ne semblent nullement reculer et n’hésitent pas à serrer la vis. La dernière en date, et non des moindres, la désormais célèbre plateforme de visioconférence Zoom, dont le succès est lié à la pandémie, exige elle aussi que ses collaborateurs réintègrent leur bureau.