Du Café V de Louis Vuitton au Restaurant Beige de chez Chanel, en passant par le restaurant de Ralph Lauren ou le Nina Illusion Café de Nina Ricci, les marques de luxe diversifient leurs activités et investissent le secteur de la restauration. L’objectif est de gagner en visibilité et d’élargir leur cible. À quoi ressemblent leurs établissements ? Quels sont les plats proposés ? Quels sont les prix pratiqués ? Tour d’horizon.
La frontière entre haute couture et gastronomie se fait de plus en plus mince. En effet, les marques des plus grandes enseignes de luxe ouvrent, les unes après les autres, aux quatre coins du monde, leurs propres cafés, restaurants et autres établissements où savourer un plat délicieux dans leur univers. Le Café Dior de l’avenue Montaigne arrivera ainsi à Osaka en 2025 avec, aux fourneaux, la cheffe triplement étoilée, Anne-Sophie Pic. Il y a aussi le Beige de Chanel. Cette institution créée en 2018 propose à une clientèle fortunée des plats d’exception comme le menu signature où l’on retrouve des amuse-bouches, un confit de foie gras de canard avec de l’amadai grillé ou encore de l’agneau rôti pour 26 000 yens par personne (environ 160 euros). D’autres misent davantage sur les cafés éphémères comme le Nina illusion Café, de Nina Ricci, ouvert à Paris du 7 au 10 mars 2024, à l’occasion de la sortie du dernier parfum de la marque, Nina Illusion. En 2021, Prada adoptait une stratégie similaire avec sa campagne Feel like Prada, permettant au consommateur d’acheter sa baguette signée Prada, avec un packaging reprenant les imprimés géométriques de la collection automne-hiver 2021 de la marque. Prada s’était pour l’occasion associée avec des artisans et des commerçants locaux pour proposer toutes sortes de gourmandises lors de la Fashion Week de Paris.
Le concept de ces restaurants atypiques naît à la fin des années 1990. À l’époque, la maison Armani fait figure de pionnière en lançant son premier restaurant parisien à Saint-Germain-des-Prés, aujourd’hui au guide Michelin 2024. L’établissement va jusqu’à proposer des concerts live et DJ sets une fois par semaine. La cuisine est d’inspiration italienne et l’on trouve sur le menu des tagliatelles maison légèrement fumées au Pecorino Romano pour 62 euros ou encore des raviolis farcis à la seiche et fondus au basilic frais pour 58 euros. Ralph Lauren fera de même aux États-Unis, en 1999 en installant un restaurant tout près de l’une de ses boutiques. La firme mise alors sur une cuisine typiquement américaine, composée de beignets de crabe Maryland ou de cheesecake new-yorkais, le tout accompagné de vins vintage et des cocktails classiques préférés de Ralph Lauren comme le Mint juleps ou la Margarita.
Si l’idée de créer des restaurants participe à la diversification des activités des grandes marques de luxe, l’objectif financier n’est pas le plus important. Ces grandes enseignes cherchent davantage à gagner en visibilité et à attirer une nouvelle clientèle. Les restaurants sont souvent accolés à des magasins de la maison de couture et le décor soigné rend le tout très « instagrammable ». Le rose acidulé de la bulle du Nina Café Illusion impressionne tout autant le public que la décoration léchée du restaurant Niko Romito de Bulgari. Cela contribue à aider la marque à gagner en notoriété sur les réseaux sociaux. Les menus sont composés, la plupart du temps, par de grands chefs étoilés comme Jean Imbert aux fourneaux de Monsieur Dior avenue Montaigne ou Maxime Frédéric chez Louis Vuitton Paris, ou encore Mory Sacko à Saint Tropez. À Florence, le Gucci Osteria propose des mets aux saveurs méditerranéennes préparés par le chef triplement étoilé, Massimo Bottura.
De telles créations traduisent entre autres la prospère stratégie de l’industrie du luxe. Celle-ci ne cesse de s’adapter aux évolutions de la demande, et cela passe entre autres par cette dynamique culinaire. Selon le cabinet d’étude Bain, le marché mondial du luxe devrait atteindre les 2 500 milliards d’euros en 2030. Il avoisinait les 1 500 milliards en 2023, en hausse de 8% à 10% par rapport à 2022. Les incertitudes géopolitiques contraignent les marques à doper leur visibilité (20% d’investissement en plus en 2023) et à revoir leurs infrastructures (20% de plus). Les dépenses des clients du luxe, en particulier celles liées aux expériences, atteignent des sommets surtout chez la génération Z (les jeunes nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010), d’où l’intérêt de faire des restaurants et autres cafés. Selon une récente étude du Boston Consulting Group, en 2022, les Millennials (les personnes nées entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990) et la Génération Z pesaient déjà près de 200 milliards d’euros sur le marché, soit le double par rapport à 2016. Ce chiffre devrait encore doubler d’ici 2026. Les Millennials et la Génération Z devraient alors représenter 75% des consommateurs du luxe. Par ailleurs, ils dépensent 15% de plus que les autres générations.