Le changement de cycle monétaire et le soutien des banques centrales à la croissance rebattent les cartes en matière d'investissement. L'avènement d'une nouvelle phase où diversification géographique, sectorielle et de classes d'actifs va, à nouveau, faire sens.
Incertitudes monétaires, guerres, tensions géopolitiques… Au début de l'année, les sujets de nature à brouiller l'horizon conjoncturel ne manquaient pas. Difficile, alors, d'imaginer que cette complexité originelle allait déboucher sur un tout autre paradigme. Un environnement balisé propre à normaliser les conditions de marché et celles d'investissement, c'est ce que suggère, aujourd'hui, l'avènement du cycle de baisse des taux entamé par les banques centrales.
« Pour les investisseurs, cela signifie que la problématique d'inflation n'est plus majeure et ne risque plus d'engendrer de nouveaux resserrements monétaires, résume Pierre Blanchet, Responsable des solutions d'investissement chez Amundi. Désormais, c'est la croissance qui est au centre de l'attention, ce qui devrait se traduire par un retour aux fondamentaux en matière d'allocation ».
Cette normalisation répond mécaniquement à celle d'une décélération concomitante de l'inflation et de la croissance. Aux États-Unis tout d'abord où ce ralentissement est palpable sur un marché de l'emploi moins tendu, voyant les salaires progresser moins vite - voire stagner. Financièrement moins à l'aise qu'au sortir du Covid, le travailleur américain n'est plus tenté de quitter son emploi pour en chercher un mieux rémunéré. Surtout que l'excédent d'épargne accumulé durant le confinement est, à présent, consommé. « Aux États-Unis, le ralentissement économique est intimement lié à la consommation, commente Pierre Blanchet. Il est donc impératif de re-solvabiliser le consommateur américain, ce permettra la baisse des taux. De fait, au regard de la dynamique économique actuelle ainsi que d'un taux de chômage bas, le risque de récession est assez faible ». Ainsi, la croissance américaine devrait toucher un point bas à 1,9 %* l'an prochain.
La situation est sensiblement différente en Europe. L'inflation déjà repassée sous l'objectif cible (1,8 % en septembre), les indicateurs conjoncturels y esquissent une reprise beaucoup plus lente (1 % de croissance*). En panne sèche d'exportations, son principal moteur, l'Allemagne, est pénalisé par la baisse des échanges commerciaux et une économie chinoise convalescente. En dépit de la dynamique insufflée par certains (Espagne, France), l'activité dans le secteur privé tend à se contracter (HCOB à 49,6 en septembre). Un environnement qui suggère que la cadence de l'assouplissement monétaire devrait s'accélérer. « La BCE est, aujourd'hui, en retard sur la baisse des taux, analyse Pierre Blanchet. Or la levée des restrictions financières est, en l'état, le principal levier susceptible de relancer la croissance… Avec le soutien budgétaire pour réamorcer la dynamique de consommation ». Car les chocs du Covid et de la guerre en Ukraine ont ébranlé la confiance des Européens qui ont tendance à épargner plus et consommer moins.
La Chine, quant à elle, peine toujours à trouver la formule miracle pour relancer sa croissance. Les mesures fragmentaires distillées jusqu'ici ne lui ont pas permis de panser les plaies de sa crise immobilière. Du reste, les annonces de la banque centrale chinoise (PBoC) et du Politburo, le mois dernier, peuvent être un électrochoc efficace. Baisses de taux, recapitalisation des banques pour relancer le crédit et la consommation… Le plan annoncé équivaut à 0,8 point de PIB et devrait être agrémenté de nouvelles actions pour réveiller une économie languissante. Alors que le pays souffre de la guerre commerciale à l'extérieur, sa demande domestique est atone, une grande part de l'épargne des ménages ayant été volatilisée dans l'effondrement du marché immobilier. Reste à savoir si les dernières mesures annoncées permettront à la Chine de redresser sa croissance, qui jusqu'alors ne prétendait pas à dépasser les 3,7 %* en 2025.
Dans ce contexte et, a fortiori, celui d'un cycle de baisse des taux, l'horizon conjoncturel paraît donc plus dégagé. La normalisation des politiques monétaires induit celle des marchés et des conditions d'investissement
« La corrélation entre actions et obligations est de nouveau négative ou neutre, souligne Pierre Blanchet. Ce qui va permettre de reconstituer des portefeuilles diversifiés à 50/50 entre ces deux classes d'actifs ».
En somme, un retour aux fondamentaux de l'allocation. En matière d'obligations, les conditions actuelles tendent à privilégier l'Investment grade** et le souverain aux dépens du haut rendement. Par ailleurs, la baisse des taux américains devrait profiter à la dette émergente par le biais de l'affaiblissement du dollar.
Pour leur part, en l'absence de récession, les actions devraient aussi bénéficier de cet environnement monétaire. Et si le marché américain est trop cher en raison d'excès de valorisation sur son secteur technologique, ce n'est pas le cas pour l'Europe ou le Japon, par exemple. Ou encore pour les valeurs cycliques. Et encore moins pour les small et mid cap qui affichent de fortes décotes. Au-delà, « 2025 va surtout être marquée par l'entrée du non coté dans les allocations », précise Pierre Blanchet. En effet, la loi industrie verte impose désormais à la gestion sous mandat une part minimale d'investissement (4 à 8 % selon les profils) dans cette classe d'actifs. « L'opportunité de démocratiser le non coté mais aussi de faire de l'épargne un soutien financier à l'économie réelle », conclut Pierre Blanchet.
Achevé de rédiger le 7 octobre 2024
* Prévisions Amundi pour 2025 (achevé de rédiger le 08 octobre 2024)
** Titres investissables ou investment grade correspondent aux obligations émises par les emprunteurs qui reçoivent une note allant de AAA à BBB- par les agences de notation, selon l'échelle de Standard & Poor's.
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