Plus écologique et moins cher que le diamant naturel, le diamant synthétique gagne des parts de marché dans le monde. Facile à produire, il séduit les investisseurs et intéresse des secteurs comme la joaillerie. S’il rend les systèmes d’horlogerie plus précis, il trouve aussi de nombreuses applications dans le secteur industriel et médical.
Il a la couleur du diamant naturel, la forme du diamant naturel et le chic du diamant naturel. Pourtant, il est synthétique. À l’œil nu, il est impossible de faire la différence entre les deux diamants. Pourtant, la valeur du diamant de synthèse est de 30 à 40% inférieure à celle du diamant naturel. À ce jour, le plus gros diamant de synthèse pèse 9 carats quand le plus gros diamant brut extrait d’une mine du Botswana en 2021 pesait jusqu’à 1174 carats. Le second offre également une palette de teintes plus importantes. Cependant, les clients se ruent sur ces diamants de laboratoire. Selon le diamantaire Rubel & Menasche1, en mars 2024, les ventes de bijoux en diamants synthétiques ont augmenté de 41,4% en volume et 25% en valeur. Dans le même temps, celle des bijoux faits à partir de diamants naturels a diminué de 3,4% en nombre d’unités vendues et de 2,4% en valeur. La taille du marché mondial des diamants de synthèse était évaluée à 19,50 milliards de dollars (17,96 milliards d’euros) en 2023. Elle devrait atteindre 28,66 milliards de dollars (26,40 milliards d’euros) d’ici 2031, avec une croissance de 5,01% de 2024 à 20312, indique Kings Research, dans une note de mars 2024.
Outre le prix, les diamants de synthèse jouissent d’une meilleure image par rapport aux diamants classiques. En effet, les diamants naturels sont le plus souvent exploités dans des mines à ciel ouvert, dans des zones parfois fragiles. Les sols fouillés restent saccagés durant des décennies, perturbant la faune et la flore locale, sans compter les conditions de travail des ouvriers chargés d’extraire le précieux minerai. A contrario, le diamant de synthèse, créé par le chimiste Tracy Hall en 1954, se fabrique en laboratoire, soit à l’aide d’un four spécial permettant de reproduire une forte pression (70 bars) et la température du sous-sol terrestre (1.500 degrés), soit en exposant, dans un four à haute température, des fragments de diamant sur une plaque exposée à de l’hydrogène et du méthane. La réputation écologique du diamant de synthèse attire les investisseurs. Ainsi, en 2014, l’acteur américain Leonardo DiCaprio est devenu actionnaire de Diamond Foundry, un producteur du précieux minerai outre-Atlantique. De grandes marques, comme Pandora en 2022, ont également pris le virage du diamant de laboratoire. Les jeunes maisons de joaillerie comme Courbet, créée en 2018, ne se posent même pas la question du diamant naturel et misent, elles aussi, sur le synthétique. Chez LVMH, les vertus du diamant de synthèse sont déjà bien connues, notamment dans la fabrication des montres Tag Heuer. La Carrera Plasma, modèle iconique de la marque, acte cette révolution avec ses 48 diamants de laboratoire intégrés au boîtier. La lunette en possède 26 de plus tandis que le nouveau bracelet assorti en aluminium est doté de 34 diamants. Ce bijou rare était proposé à la vente à 500.000 euros au moment de sortie en 2023.
L’autre intérêt pour les spécialistes du luxe est la facilité avec laquelle le diamant de synthèse est produit. Il faut aujourd’hui plusieurs semaines pour créer du diamant de laboratoire, mais ce temps pourrait être considérablement réduit prochainement. Des chercheurs sud-coréens ont mis au point un procédé révolutionnaire permettant de fabriquer des diamants en 150 minutes à peine, soit quasiment le temps d’un trajet en TGV entre Paris et Rennes. D’après cette étude, publiée dans la revue Nature3, il est possible de faire du diamant à une pression ambiante, tout en conservant un niveau de chaleur élevé : de quoi rebattre à l’avenir les cartes du marché du diamant. À ce jour, parmi les principaux pays producteurs de diamants de synthèse, on retrouve la Chine, l’Inde et les États-Unis. Tous sont loin devant la Russie, l’un des plus gros producteurs de diamants naturels.
Le secteur de la joaillerie n’est pas le seul à suivre ce nouveau marché. En effet, les applications scientifiques du diamant de synthèse sont très recherchées. À la fois outil de découpe, conducteur thermique, fenêtre optique pour l’infrarouge… on ne compte plus les propriétés de ce matériau. Des chercheurs tentent de développer, grâce au diamant de synthèse, des semi-conducteurs biologiques pour interagir directement avec des tissus vivants. La start-up DiamFab, issue du CNRS de Grenoble, travaille sur ces questions et vient de lever près de 8,7 millions d’euros pour poursuivre ses recherches. L’objectif de l’entreprise est de trouver le moyen de remplacer le silicium des semi-conducteurs par du diamant de synthèse car avec l’électrification de pans entiers de la société (mobilité avec les voitures et avions électriques), les besoins en semi-conducteurs puissants vont augmenter. Or le silicium montre déjà ses limites. Le diamant artificiel est également utilisé dans le secteur médical. Sa grande stabilité et sa longévité permettent de concevoir des implants neuronaux. Ces derniers vont aider à restaurer des fonctions neurologiques altérées. Les chercheurs pourraient ainsi redonner la vue à une personne aveugle en implantant du diamant sous la rétine.
1. https://www.rubel-menasche.com/le-marche-du-diamant-aux-etats-unis/
2. https://www.kingsresearch.com/fr/synthetic-diamond-market-535