Avant-guerre elle n’existait pas, mais avec la naissance de la société de consommation, elle devient source de gaspillage et de pollution. Son nom : obsolescence programmée. À l’heure de la loi pour une économie circulaire, où en est-on dans le monde ? Avec quelles perspectives ? État des lieux.
Avant-guerre il était impossible de filer sa paire de bas. Puis est arrivée la nécessité de vaincre le chômage en augmentant la production et nécessairement la consommation, accompagnée par la création de l’obsolescence programmée. Celle-ci peut se définir comme la réduction volontaire de la durée de vie d'un produit pour en accélérer le renouvellement. Le concept est théorisé par Bernard London en 1932. Il parle alors d’obsolescence planifiée. L’objectif est, en pleine Grande Dépression, de proposer une issue au chômage de masse en Amérique. En produisant des objets moins pérennes, on favorise la production et donc le travail. Cependant, aujourd’hui, cette méthode grève le pouvoir d’achat des ménages. La France, pionnière en la matière, est le premier pays à interdire l’obsolescence programmée en 2015. Elle peut être punie de 2 ans d'emprisonnement, 300.000 euros d'amende et jusqu'à 5% du chiffre d'affaires annuel moyen. Une première plainte est déposée dès 2017 contre Epson et ses imprimantes. L’association Hop démontre des pratiques1 visant à afficher des cartouches d’encre vides sur l’imprimante au moment où elles sont encore remplies entre 20 et 40%. Elle note également des tampons absorbeurs d’encre faussement indiqués en fin de vie ou le refus de la machine d’imprimer en noir quand une cartouche couleur est vide. L’enquête est toujours en cours. En 2021, l’UFC que Choisir saisit la Commission européenne contre les manettes Switch de Nintendo et accuse l’entreprise d’obsolescence programmée. L’association obtient une victoire décisive en 2023 et Nintendo s’engage à réparer gratuitement toutes les manettes défectueuses, peu importe le modèle ou la date d’achat. Idem pour Apple visé par une enquête ouverte en 2020 suite aux ralentissements des iPhone 6, 6S, SE et 7 après une mise à jour du système d’exploitation iOS. L’entreprise a trouvé un accord avec la DGCCRF et accepté de payer une amende record de 25 millions d’euros. L’entreprise signera également un accord en Italie (10 millions d’euros) et aux États-Unis (entre 310 et 500 millions d’euros de dédommagement) pour mettre fin aux poursuites judiciaires. De nombreux pays adoptent en effet des législations contre l’obsolescence programmée du Chili, à l’Australie, en passant par l’Europe, l’Argentine, le Brésil ou encore les États-Unis.
Après Apple, c’est au tour de l’industrie des voitures électriques d’être passée au crible de l’association Halte à l’obsolescence programmée (Hop). Cette dernière s’inquiète dans un rapport publié en mars 20242 de la montée en puissance du numérique dans nos voitures et de certaines dispositions réglementaires. L’association s’interroge ainsi sur la fiabilité à long terme des batteries et de leur réparabilité. Certaines ne sont pas démontables. Cela augmente le risque de créer des batteries jetables à remplacer. Or, la batterie représente 30% à 40% du coût d’une voiture électrique. Hop s’inquiète également de la part de plus en plus importante du numérique dans les logiciels de voitures électriques donnant aux fabricants un grand pouvoir sur le véhicule. Pour rappel, en 2017, pour fuir l’ouragan Irma aux États-Unis, l’entreprise Tesla avait été en mesure d’augmenter à distance l’autonomie de ses véhicules. Les griefs relevés par l’association Hop ne sont pas à prendre à la légère. Cette dernière a déjà obtenu en 2022 l’ouverture d’une enquête contre Apple par le parquet de Paris pour avoir rendu difficile volontairement la réparation de ses smartphones avec des pièces génériques. Un problème que l’on pourrait également rencontrer, selon l’association, avec les voitures électriques à l’avenir, dotées de puces électroniques refusant des greffes de pièces non montées en usine.
Plusieurs objets du quotidien sont touchés par l’obsolescence programmée et cela depuis longtemps. Cela concerne les ampoules par exemple. Le cartel de Phoebus qui réunit en 1924 les dirigeants des entreprises Osram, Philips, Tungsram, Associated Electrical Industries, la Compagnie des Lampes et Général Electric, permet aux industriels de se mettre d’accord pour réduire délibérément la durée de vie des ampoules en faisant passer la durée d’éclairage de 2500 heures à 1000 heures. Les industriels se défendent alors en expliquant que si la durée d’éclairage diminue, la puissance de l’ampoule, elle, est de bien meilleure qualité. Le bas nylon est un autre exemple, bien connu des experts de l’obsolescence programmée. Si le nylon synthétique utilisé par la firme américaine Dupont de Nemours était réputé comme ultrarésistant, l’entreprise aurait décidé de fragiliser l’objet afin de pouvoir en vendre davantage.
Pour lutter contre l’obsolescence programmée de certains objets, les consommateurs peuvent se fier en France, depuis le 1er janvier 2021, à l’indice de réparabilité. Ce dernier est obligatoire sur tous les lave-linge, smartphones, ordinateurs portables, téléviseurs, lave-vaisselle, aspirateurs, nettoyeurs haute pression et tondeuses à gazon. Il prend la forme d’une note qui s’échelonne de 1 à 10. Elle tient compte de la facilité de démontage, la disponibilité de la documentation technique et des pièces détachées, ainsi que leurs prix rapportés à celui du produit. Plus la note est élevée, plus l’objet est facile et peu cher à réparer. Les prix moyens à l’heure varient de 40 à 80 euros, en fonction de l’artisan, mais il est aussi possible, si l’on est bricoleur et que l’indice de réparabilité est fort, de s’en occuper soi-même. Un bonus est même mis en place par le gouvernement depuis 2022 pour inciter la population à faire réparer ses objets. Si l’artisan réparateur dispose du label QualiRépar, le consommateur se voit verser un bonus de 10 euros pour une machine à café ou un grille-pain, de 15 euros pour une perceuse, de 25 euros pour un lave-linge, de 30 euros pour un téléviseur et de 45 euros pour un ordinateur portable, à faire valoir sur le devis.
1. https://www.halteobsolescence.org/wp-content/uploads/2017/09/Rapport-HOP-final.pdf
2. https://www.halteobsolescence.org/obsolescence-automobile-voitures-jetables/