Routes intelligentes, villes en bambou, béton auto-guérisseur… Le développement des nouvelles technologies et de l’IA rebat les cartes en matière d’urbanisme pour les villes de demain avec, en toile de fond, le défi imposé par le dérèglement climatique.
Cette expérimentation fait parler d’elle sur les réseaux sociaux. Dans la ville d’Herblay-sur-Seine, dans le Val d’Oise, la municipalité expérimente depuis le mois de septembre 2024 des bandes phosphorescentes à même le sol pour éclairer le chemin des piétons à la place des lampadaires. À la nuit tombée, sur un peu plus d’un kilomètre, la chaussée se voit parée de bandes vertes brillantes dans la nuit pour permettre aux usagers de se repérer. Si le dispositif est une réussite, il pourrait être développé ailleurs dans la commune. Ce procédé est 100% écologique puisque les bandes absorbent la lumière du jour pour la restituer dès le soir venu. La croissance de la population urbaine, associée au défi climatique, oblige en effet les villes à repenser l’ensemble de leurs infrastructures, à commencer par la route. Selon les Nations Unies, près de 66% de la population devrait vivre en ville à l‘horizon 20501. L’Internet des objets apparaît comme la solution la plus durable pour connecter ces espaces et rendre plus efficace la gestion du trafic ou la sécurité des piétons et des véhicules. Ainsi, le département du Loir-et-Cher a, depuis quelques années, adopté la solution « Anaïs » de Mobility by Colas. Ce système, déployé dans les voitures des conducteurs volontaires depuis 2021, permet de collecter et d’analyser les données relatives aux comportements des véhicules sur la route. L’outil va non seulement identifier les zones d’alerte sur le réseau routier, mais il va aussi formuler aux gestionnaires de routes des recommandations d’entretien.
La route intelligente est un élément parmi tant d’autres de la smart city. Cette révolution est liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, à l’origine de la transformation des villes et de leur bâti. Le concept naît dans les années 2000, mais trouve son apogée dix ans plus tard. L’objectif est de créer des communes plus intelligentes, mais surtout plus résilientes et durables. Si les tentatives se multiplient dans le monde, la plus sérieuse pourrait être celle d’Elysium City, créée par John Cora, un ancien cadre de chez Disney. Située dans la province de Badajoz, en Espagne, elle comprendra des hôtels de luxe, des zones résidentielles, des parcs à thème, des zones sportives, commerciales et récréatives. Près de 18 milliards d’euros ont été investis pour sortir de terre cette cité conforme aux 17 objectifs de développement durable des Nations unies2 : énergie propre, consommation responsable, éducation de qualité… Cette première ville intelligente européenne devrait être achevée d’ici 2028. Plus loin, en Arabie saoudite, le projet « The Line » tente de révolutionner l’urbanisme à travers une ville verticale de 500 mètres de haut pour 200 mètres de large pour créer un microclimat agréable en plein désert. Entièrement alimenté par des énergies renouvelables, l’ensemble doit former des îlots urbains permettant d’accéder aux commerces essentiels en 5 minutes à pied. La ville doit s’étendre, une fois achevée, sur près de 170 km. Elle sera également équipée d’un système de transport ultrarapide allant à 500 km/h. Doté de fermes verticales pour permettre à la population de s’auto-alimenter, le projet possédera aussi ses infrastructures portuaires.
Le schéma urbain n’est pas l’unique objet d’attention des chercheurs. Beaucoup travaillent également sur les matériaux employés dans la construction des bâtiments. De plus en plus d’études sont notamment menées autour du béton autocicatrisant. Composé de gels, de champignons ou de bactéries, ce béton peut anticiper les fissures à venir dans les murs. La maçonnerie étant poreuse, elle peut accueillir des micro-organismes actifs sous la forme d’un spray ou de peintures spéciales. Ces bactéries créeraient ainsi un tissu cicatriciel autour du béton. L’entreprise américaine BamCore s’appuie de son côté sur un matériau ancestral : le bambou. Ses panneaux muraux hybrides, composés d’eucalyptus et de bambou, permettent des fabrications plus durables et plus faciles à assembler que l’ossature bois : de quoi construire des maisons 100% écolos et performantes sur le plan énergétique en deux temps trois mouvements.
Le numérique a évidemment lui aussi un impact sur le secteur de la construction et de l’immobilier en général. La possibilité d’analyser les performances énergétiques en direct d’un bâtiment et de proposer des solutions d’optimisation de son usage grâce à l’intelligence artificielle (IA) est une révolution. La société française Deepki s’appuie d’ailleurs sur ce mécanisme. Enfin, l’impression 3D de biens immobiliers pourrait changer la donne en matière de construction. Le centre d’accueil du village Community First! à Austin, au Texas, a par exemple été imprimé en 3D et construit en 27 heures. De tels biens, confortables, pourraient permettre d’augmenter la construction de logements. Le marché du smart building n’a pas fini de nous surprendre. Selon le cabinet d’étude Grand View Research, il est estimé à 108 milliards de dollars en 2023 et devrait connaître une croissance de 28,5% entre 2024 et 2030 (3).
1. https://www.un.org/fr/observances/world-population-day
2. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
3. https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/global-smart-buildings-market