Diamants de synthèse, or issu de smartphones recyclés, bijoux réutilisés… les joailliers s’intéressent aux matériaux usagés pour constituer les bijoux de demain. Plus éthiques, moins polluantes et moins fragiles, ces nouvelles pièces présentent de nombreux avantages à l’heure du réchauffement climatique.
C’est le Tesla de l’univers de la joaillerie. La Maison Courbet, lancée en 2018, s’est fait un nom Place Vendôme en optant pour un modèle original dans le secteur du luxe : les bijoux recyclés ou écoresponsables. Jusqu’alors, faire rimer « joaillerie » avec « écologie » était loin d’être évident tant l’extraction des minerais précieux génère une pollution durable et nécessite l’exploitation de travailleurs sous-payés. Cependant, Courbet a trouvé la parade : s’appuyer sur les métaux précieux présents dans les appareils électroniques usagés ou encore fabriquer du diamant de synthèse. Smartphones, tablettes et autres outils technologiques sont richement dotés. Selon GoldUnion, spécialisé dans la vente et l’achat d’or, on peut récupérer jusqu'à 50 milligrammes d'or pour un smartphone d'un poids de 200 grammes. Les propriétés de ce métal permettent de le recycler à l’infini en le fondant de nouveau, sans altérer sa qualité. Tous les bijoux Courbet sont en or 750 millièmes. L’opération est des plus intéressantes car comme le rappelle l’OMS, en 2019, on estime à 53,6 millions de tonnes les déchets électroniques produits à l'échelle mondiale. Seuls 17,4% d’entre eux ont été recensés comme étant officiellement collectés et recyclés. Des objets pourtant riches en cuivre, en argent ou en or à recycler. La Royal Mint, fabricant historique de pièces de monnaie britannique, en est consciente et vient de créer en août 2024 au Pays de Galles une usine pour extraire les métaux précieux des déchets électroniques. Une opération rendue possible grâce à une technologie brevetée par l’entreprise nommée Excir et qui permet de dissoudre l’ordre des circuits imprimés en 4 minutes seulement.
Outre les métaux recyclés, les marques s’appuient aussi de plus en plus sur le diamant de synthèse. Fabriqué en laboratoire à l’aide d’un four spécial permettant de reproduire une forte pression (70 bars) et la température du sous-sol terrestre (1 500 degrés), il permet aux industriels du luxe de produire des diamants plus vite et de manière plus durable. En effet, le monde de la joaillerie est très polluant. La cyanuration est le premier procédé de traitement du minerai employé par l’industrie aurifère et concerne 80% de la production mondiale d’or rappelle l’association Systext dans une étude réalisée pour WWF. Un milliard de tonnes de minerai est traitée chaque année dans le monde à l’aide d’une solution cyanurée pour récupérer l’or. L'extraction de pierres précieuses peut avoir des impacts environnementaux des plus négatifs, comme la destruction de l'habitat, l'érosion des sols et la contamination de l'eau. Outre la défense de l’environnement, cette nouvelle orientation prise par les joailliers sert aussi un intérêt économique : celui de séduire les millenials, plus engagés dans la défense du climat et plus vigilants sur les produits qu’ils achètent, même dans le luxe. Selon les prévisions du Boston Consulting Group (BCG), les millenials totalisent 32% du marché du luxe en 2019 et représenteront 50% du marché en 2025. Un récent rapport du cabinet McKinsey va dans le même sens : 20 à 30% des ventes mondiales de bijoux prendront en compte les problématiques de durabilité d’ici 2025. Outre la question environnementale, les pierres précieuses issues d’une forme de recyclage ou réalisées en laboratoire sont plus adorables pour les clients. Un bijou en diamant de synthèse coûte 30% à 40% de moins qu’une pièce réalisée en diamant naturel, sans pouvoir la différencier à l’œil nu.
Courbet n’est désormais plus le seul sur ce segment de marché. D’autres entreprises, comme JEM Paris, Paulette à Bicyclette ou encore Flore et Zéphyr s’approvisionnent en or Fairminded pour bagues, colliers et autres bracelets. Il s’agit d’un or dit éthique, contrôlé par l'Alliance pour une Mine Responsable, et produit par des communautés minières artisanales, à taille humaine, respectant l’environnement. Les entreprises s’engagent également sur le plan social pour protéger les mineurs. Le cyanure utilisé pour le traitement des minerais est recyclé pour en utiliser le moins possible. La Maison Blancca, elle, a recours au vermeil, un mélange d’argent recyclé et plaqué de cinq microns d’Or éthique Fairmined 18 carats, pour composer certains de ses bijoux. Quant à Onisi, le joaillier se spécialise dans la vente de bijoux anciens, chinés partout dans le monde. Cette méthode permet au bijoutier de donner une seconde vie à des pièces déjà portées. Ces nouveaux acteurs auréolés de succès influencent les géants historiques de l’industrie de la joaillerie. De grandes maisons comme LVMH ou encore Pandora recourent elles aussi aux diamants de synthèse pour fabriquer tout ou partie de leurs bijoux. De son côté, Chanel propose des pièces upcyclées, c’est-à-dire des productions originales réalisées à partir des matériaux d’anciens bijoux.