C’est la nouvelle norme du voyage d’affaires : le bleisure. Contraction de «business» (travail) et «leisure» (loisir), ce nouveau mode de voyage hybride consiste à profiter de ses déplacements professionnels pour s’enrichir culturellement. Il a le vent en poupe depuis la fin de la crise covid. La tendance gagne en popularité et est plébiscitée par les entreprises et les salariés.
Dans le monde du travail, le bleisure conquiert les cœurs. Selon une étude menée par l’American Hotel & Lodging Association, 89% des travailleurs du monde entier souhaitent profiter d’un temps libre durant leur voyage d’affaires, en allongeant la durée de leur séjour. C’est l’une des révolutions apportées par la crise covid : la démocratisation du télétravail et avec elle, la perspective de travailler tout en voyageant. Une tendance qui ne touche pas uniquement les pays anglo-saxons. Dans une étude réalisée en 2022 par OpinionWay pour la marque hôtelière Kyriad, on découvre qu’un Français sur deux a déjà prolongé son séjour professionnel pour en profiter à titre personnel. Les raisons évoquées par le sondage sont multiples : découvrir les spécialités culinaires de la destination (93% des sondés), visiter les lieux touristiques (89%) ou encore effectuer des activités locales (87%).
Le bleisure offre une réponse à la demande d’une forme d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des salariés. Par ce biais, ces derniers profitent d’un voyage dont les principaux postes de dépense sont assumés par l’entreprise (billet d’avion, transports, une partie des frais de bouche…). Le bleisure devient ainsi un moyen de retenir les talents ; certaines entreprises l’ont bien compris. Selon l’Amex Global Business, 57% d’entre elles ont une politique permettant aux jeunes employés de prolonger leurs voyages d’affaires avec des vacances. De quoi permettre à cette nouvelle norme de voyage d’exploser. Le cabinet Allied Market Research chiffre le marché du bleisure à près de 315,30 milliards de dollars pour 2022. Cette manne financière pourrait bien prendre de l’ampleur au cours des dix prochaines années. Toujours selon le rapport, la pratique devrait connaître un taux de croissance annuel moyen de 8,9% entre 2023 et 2032. Une dynamique qui permettrait au marché du bleisure d’atteindre 731,4 milliards de dollars d’ici 2032.
Le phénomène est tel que certains pays ont même adapté leur législation à ce nouveau type de voyageur. Ils délivrent des visas pour «digital nomad». L’Allemagne, le Portugal, l’Italie, l’île Maurice, l'Équateur, le Brésil, Chypre ou Sainte Lucie font partie de la trentaine de pays dans le monde où il est possible d’accéder à ce document. Contrairement au visa touristique classique, le visa digital nomad permet de rester dans le pays entre 12 et 24 mois (contre 3 à 6 mois pour les visas touristiques). Pour y accéder, les salariés concernés doivent impérativement travailler pour une société en dehors du pays et payer les taxes locales en vigueur. Les digital nomad doivent également justifier d’un revenu minimum ou d’une preuve de dépôt dans une banque locale. Enfin, il leur est nécessaire de fournir un justificatif d’une assurance voyage digital nomad ou une assurance santé.
Le secteur hôtelier adapte lui aussi une partie de son offre à ces nouveaux voyageurs. Selon Consultia Business Travel, en 2023, les réservations de logements touristiques pour les déplacements professionnels ont augmenté de 25%. Les services de conciergerie permettant de conseiller des restaurants, les dernières expositions du moment où les événements auxquels assister dans une ville se multiplient. Le groupe Accor propose dans ses hôtels MGallery, les moments M : ils permettent aux voyageurs de participer à une visite privée du château de Fontainebleau ou de partir en croisière sur un catamaran en Italie, le tout en réservant à la dernière minute. Certaines résidences hôtelières dédiées au tourisme d’affaires, comme celle du groupe Adagio, proposent désormais des bibliothèques d’objets. On peut y piocher un appareil à raclette ou des jeux de société pour le week-end. Le jeune groupe hôtelier Okko fait partie de ceux qui répondent le mieux aux adeptes du bleisure en France. Au sein d’un même établissement, on peut trouver des chambres d’hôtel modernes et haut de gamme, un espace de coworking, une cave à manger, une salle de sport, un sauna, des salles de réunion et un espace club. Cette sorte de salle à manger partagée donne aux clients des hôtels Okko la possibilité piocher dans le frigo gratuitement à toute heure de la journée, de lire la presse ou encore de booker le reste de leur séjour à l'aide d’un service de conciergerie dédié. Lancé il y a onze ans, le groupe hôtelier s'apprête à lancer un établissement à Troyes, après avoir conquis Paris, Strasbourg, Lille, Lyon ou encore Cannes. La France, en tant que capitale mondiale du tourisme, s’impose aussi comme une destination rêvée pour le bleisure. Le tourisme d’affaire générait déjà en 2019 près de 32 milliards d’euros de recettes, soit 5,5% du PIB touristique total. Il représentait également 1,1 million d’emplois directs et indirects. Paris est la première destination d’affaires au monde.